C’est une question que nous sommes nombreux à nous être posée. Avec ce bouleversement que représentait le confinement, les modes d’achat, la relation aux commerces de proximité allaient-ils bouger de manière fondamentale et durable ?
Philippe Goetzmann, consultant spécialiste de la distribution et élu de la CCI départementale de Paris et de la CCI régionale d’Ile de France, apporte ici son éclairage lors d’une intervention à la CCI de Moselle Métropole Metz. L’occasion pour moi de rebondir sur ses propos et surtout ses 3 conclusions, qui constituent des points clés !
” Le Covid va-t-il vraiment révolutionner le commerce de proximité ?”
Article de Stéphane Getto dans la Semaine, 1er octobre 2020

“Le commerce subit actuellement une transformation profonde mais la crise sanitaire n’en est nullement à l’origine. Elle joue plutôt un formidable rôle d’accélérateur ou de cristallisateur de phénomènes déjà engagés.”

“SOIGNER PLUS QUE JAMAIS LA QUALITÉ DE LA RELATION AVEC LES CLIENTS”
Telle est la première conclusion de Philippe Goetzmann. De fait les commerces de proximité qui avaient développé une relation client approfondie et de qualité ont été soutenus par ces clients durant la fermeture. Ils ont pu même continuer à développer ce lien particulier, comme en témoigne Stéphanie Lachaud, de la boutique de mode Roga-Stelo. Les clients ont apporté du soutien financier, mais parfois simplement un soutien moral, psychologique, qui a témoigné de leur attachement. Comme cette gérante d’une boutique de mode dans le 49 qui me témoignait : “j’ai reçu de nombreux messages de soutien de la part des clientes pendant la fermeture, je ne m’y attendait pas, cela m’a fait chaud au coeur !”.
Ces commerces ont retrouvés leurs clients dès la réouverture. Certains d’entre eux ont rattrapé leur retard de chiffre d’affaires sur l’année et parfois même fait plus que l’an passé, malgré 2 mois de fermeture !
En revanche les commerces de proximité qui étaient dans une posture peu dynamique, ne se remettant pas en cause, subissant le contexte (la faute aux manques de parking, la faute à la concurrence, la faute à Internet, la faute à la Mairie…) subissent de plein fouet les effets du Covid, avec un effet accélérateur. J’en parlais déjà dans mon tout premier post !

Il en est de même sur le rapport au digital. La fracture digitale existait, elle s’est accentuée.
Le niveau de maturité est très variable selon les commerçants de proximité, entre ceux qui n’ont aucune présence sur le Net et ceux qui ont une e-shop en plus de leur boutique, constituant véritablement une activité à part entière. Symptôme de leur degré de sensibilisation également, combien de commerçants n’ont pas d’adresse mail professionnelle, mais une adresse Gmail ?
La présence sur Internet est une nécessité pour les commerçants de proximité, ne serait-ce qu’une page sur Facebook ou Instagram, ou un site vitrine. Les clients veulent pouvoir avoir de l’information et des visuels à consulter avant de se rendre dans un point de vente physique. C’est également un vecteur de développement, par la visibilité qu’apportent ces outils digitaux (là encore, le témoignage de Stéphanie Lachaud est parlant !). Les clients y trouvent un point d’appui lorsqu’ils recommandent le commerce – plus simple qu’un flyer papier. A l’inverse les personnes qui arrivent sur la page, le site ou Google My Business de la boutique sans la connaître vont s’appuyer sur les avis clients pour se faire un première idée.
Cette évolution vers le digital est l’un des sujets sur lesquels j’accompagne les commerces de proximité. Je développe une approche en douceur qui prend en compte de manière pragmatique la situation réelle du commerçant et son degré de maturité par rapport au sujet. Je travaille avec plusieurs partenaires, concepteurs de site Internet, animateurs de réseaux sociaux, qui ont chacun leur style mais partagent tous les mêmes valeurs que moi.

“SE PENCHER SUR LA QUESTION DE LA CRÉATION DE VALEUR”
Telle est la deuxième conclusion de Philippe Goetzmann : que recherche réellement le client en venant dans ce commerce plutôt qu’un autre ?
Cela implique que le commerçant de proximité ait travaillé sur son positionnement et sa proposition de valeur.
Sait-il identifier précisément les éléments qui constituent sa valeur ajoutée ? Quels sont les bénéfices et émotions positives qu’il apporte à ses clients ? A l’inverse, en quoi soulage-t-il son client de situations indésirables ou d’émotions négatives ? Sait-il mettre en avant ces éléments qui font sa force, dans son lieu de vente et dans sa communication ?
Connaître précisément et défendre son positionnement est également l’un des sujets sur lesquels j’interviens auprès des commerces de proximité. C’est une étape incontournable du processus de création d’entreprise. Mais cême si l’activité a plusieurs années d’existence, réfléchir à cette question fait partie de la stratégie d’entreprise – oui, un commerce est une entreprise et doit avoir une vision, un projet, un cap. Savoir argumenter son positionnement est indispensable pour communiquer auprès des clients et prospects.Quzl

“JOUER COLLECTIF”
C’est la troisième conclusion de Philippe Goetzmann. Les commerçants de proximité sont par nature des indépendants, leur organisation en collectif est souvent complexe et ardue à faire vivre comme le montre les difficultés des associations de commerçants. Les enjeux n’en sont pas toujours compris au regard du temps et de l’investissement que cela représente – aux yeux des commerçants.
La question du collectif pose aussi celle des plateformes qui ont fleuri de toute part depuis le début de l’année. Plateformes vitrines, plateformes d’achat, plateformes à dimension géographique ou bien thématiques… Collectif et digital sont étroitement liés à mon sens. Il sera difficile d’embarquer des commerçants de proximité sur des plateformes, comme l’espère le faire parfois des développeurs économiques dans les territoires, s’ils n’ont pas été préparés en amont au digital. Il y a vraiment une nécessité de les préparer aux enjeux plus qu’aux outils.
Intervenir auprès de groupes de commerçant est l’une de mes missions, que ce soit dans le cadre d’une association, d’une commune, d’une communauté de communes… Les sensibiliser à ces questions est indispensable.
En conclusion, si le Coronavirus est plus un révélateur qu’un transformateur, il est certain que les commerces de proximité qui ne l’ont pas déjà fait devront opérer une révolution digitale. Ou à défaut d’une révolution… a minima une évolution – sous peine d’être hors course très bientôt.
Et vous, qu’en pensez-vous ?